Le cri à l’écrit

Septembre 2024, Quinzaine Louise Michel à Saint-Étienne ! Organisée par l’Ensemble nomade bien sûr.

Quinze jours durant les unes les uns et tous les autres

révèlent l’énergie plus que durable de leurs forces créatives et po-é-li-tiques. 

Différentes propositions pour (r)animer la figure multiple de Louise Michel et l’esprit de la Commune

essaiment dans des lieux de Sainté. L’on n’y est jamais à l’étroit tant on les aime ces endroits où l’on respire vraiment.

Où l’on devient « nous ». Alors nous faisons bruit et silence …  tendresse et fureur …  désir et colère …

Ça rugit, s’exclame, s’esclaffe, trinque, chante, interroge, interpelle, explore.

Nous faisons rires aussi, nous faisons corps.

Corps et voix autour de la Louise.

De ce qu’elle exige de nous, ensemble, au présent, à faire naître et grandir. 

 

On quitte le tumulte joyeux pour rejoindre le CREFAD qui accueille l’atelier d’écriture proposé lors de cette Quinzaine.

8 personnes se sont inscrites, prêtes à faire advenir à l’écrit leur cri.

Dans la veine de ceux que pouvaient pousser Louise Michel :

« Nous voulons tout. Tout. Une justice vertueuse, du pain pour les nécessietux, des écoles pour les enfants,

des abris pour les va-nu-pieds, et des musiciens, des poètes, des médecins enthousiastes, des découvreurs émerveillés,

des exporateurs intrépides. »

« Il s’agit aujourd’hui non plus de couper les têtes mais d’ouvrir les intelligences »

« Il faut chercher cherchons. Souffrir n’est rien, savoir est tout »

 

Nous invitons chacun, chacune à identifier les chamboulements désirés, les naissances impérieuses à extirper de soi et des autres,

et ces fameux « impossibles » à mettre à bas.

Pas de doutes permis, les phrases seront tranchées tout comme les idées qu’elles portent.

Il faudra veiller au rythme de ce cri, à son souffle.

Il faudra de l’autorité et du tranchant. Pas de mélo tiédasse.

Écrire comme on saute les barricades en somme.

 

« Je viens de la nuit où l’on souffre ». Toi, de quelle douleur viens-tu ?

Quelle révolution portes-tu en toi ? Quelle en est sa couleur ?

 

 

 

DENIS :
Je viens d’un monde où le mépris est roi.
Un monde où l’écoute n’existe pas ;
Un monde où on ne parle que pour soi ;
Un monde où les puissants se moquent de toi.

Je propose un monde bleu comme : 
  • Le ciel d’un matin d’été paisible ;
  • La mer méditerranée, à perte de vue, sans vague ;
  • Le silence, la paix après la bataille ;
  • L’accord parfait qui sonne juste à l’oreille.
    
    
Je rêve d’un monde bleu comme celui du film « La belle verte »,
 de Coline Serreau.
Il sera : Sagesse, écoute, collectif, partage et bienveillance   


                  DJAMILA :
JE VIENS D’UNE RÉPUBLIQUE où l’on triche 
d’un paradis où tout se vend d’un terrain de jeu miné de pièges ! 
Je dresse alors la tête et vous crie depuis ma nuit : 

J’ABOLIS la canette de soda jetée dans la haie du jardin public 
J’ABOLIS la fumée des clopes que mon voisin m'envoie dans les sinus 
J’ABOLIS le bruit de ceux qui parlent fort sur la parole des autres 
J’ABOLIS le rire gras sur l’inconfort de l’invalide 
J’ÉTEINS le regard qui tue poursuivant la silhouette non conforme de ma copine 
JE NEUTRALISE le méchant coup de klaxon qui bouscule le piéton trop lent 
JE ME FÂCHE au discours fâcheux du facho invité sur le plateau télé 
JE DÉNONCE le ton servile du journaliste qui opine du menton devant le pouvoir menteur 
JE HURLE à la résignation de mon voisin quand je lui parle de génocide
JE PLEURE la tristesse du parieur qui a gaspillé son salaire au tiercé 
JE FRAPPE du poing quand j’entends "Je crois que ça ne va pas être possible" du banquier ou du recruteur 
JE ME MORFONDS devant le caddy débordant de : E232, de E118 et d’amidon modifié 

ALORS : Devant la croisée des chemins de lutte et la crainte de s’embourber dans l’ornière de l’ignorance et de la peur : 

JE PROCLAME le devoir de désobéissance !
JE DÉCLARE la fin du sifflet vicelard dans la rue 
JE PROCLAME l’ère du rire à tous les étages et le partage de nourriture 
JE PROCLAME la république de l’écoute active et de la bienveillance 
JE VOTE pour que le mot différence soit banni du vocabulaire ! 
JE SOUFFLE sur l’écran de fumée des nouvelles anxiogènes que le ministre envoie par les conduits de la TNT 
J’APPLAUDIS au slogan " Nous Voulons Nos Droits ! "
J’ENTONNE le refrain " Levons nous femmes en rage " 
J’ABOLIS tous les uniformes, qu’ils soient bleu marine ou caca d’oie ! 
JE GOMME la cravate dans toutes les assemblées 



GÉRARD :
Je viens de la nuit où l’on souffre, je viens du matin où l’on me gave d’infos, 
Alors au petit déjeuner, je mélange de la dette, je bois les ras le bol, je mange des statistiques, 
je mâche les noyés, j’avale les discours, je tartine la manifestation, je croque les morts … 
Mon estomac digère de la rage, le monde a un goût amer, un goût de désespoir qu’il va falloir 
avaler. 

Demain je change le monde 

Fini les discours rassurants !
Fini la peur de l’autre !
Fini les projets !

Demain je change le monde 

Fini les « ça va bien se passer » !
Fini la confusion !
Fini le Mépris !

Demain je change le monde 

Je ne crie plus, je ne résiste plus 
Je chevauche, je pourfends, j’impose, 
Qu’importe la fin, la dignité est à mes côtés. 



JOCELYNE :
      Je viens de l’enfance qui a été bernée et je propose que nous rebâtissions un monde vraiment sans exclusion.
Peut-être faut-il détruire pour reconstruire : alors, tronçonnons et numérotons notre Abou Simbel 
et déplaçons-le pour le mettre à l’abri des grands barrages nécessaires à notre survie.
Abandonnons l’idée d’ordre et de progrès, surtout, changeons de devise une fois par an 
et laissons chacun croire et croître.

      Cette révolution sera verte comme les tuiles vernissées des vieilles demeures belles et solides, 
verte comme la faïence art déco. 
Elle sera verte comme l’infinie variété d’une tapisserie de haute lice pourtant monochrome. 
Nous serons les piliers de la révolution verte comme l’eau, comme les herbes, comme le ciel parfois. 
Nous serons le début et la fin, la semence, les graines, le flot et la lumière.

      Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous allons balayer l’indifférence, balayer l’absence, balayer le manque. 
Fini la dépression, le creux de la vague, le vide des envies. Il est temps de redresser tout ça, de nous redresser.

      La vie en société peut être un grand atelier théâtre et désormais nous allons marcher sans regarder nos pieds,
 en croisant le regard des autres, sans agressivité mais avec intérêt. 
Désormais, nous allons sourire et surtout ne pas nous empêcher de rire bêtement, follement. 
Désormais, nous allons marcher comme si nous dansions. 
Désormais, nous serons certains d’avoir une place, d’être à notre place, d’être utile aux autres et à soi. 
Désormais, nous nous réunirons pour ne rien faire, rien d’autre que d’aimer voir les gens.

      C’est avec enthousiasme que nous proposons l’enthousiasme, avec joie que nous écoutons les envies, 
avec émerveillement que nous nous regarderons grandir et vieillir.


                   
MAUD :
Je viens de l'enfance où l'on se fait silencier, où l'on se fait mentir, où l'on se fait rapetisser ;
où l'on nous laisse oublier qui l'on est et pourquoi on est là.
Je viens de la folie où l'on côtoie presque la sagesse perdue des sains d'esprit.
En vrai je viens d'encore plus loin, où je savais tout ça.

 

La conscience des cœurs ardents ; en.vie de vivant

 

Je ne veux plus utiliser le mot révolution, qui signifie faire un tour sur soi même, finalement a la même place, 
et récupéré, vidé de son sens par tous les monarques en manque de titre pour leur bouquin.
À la dernière on a coupé des têtes et ce qu’il nous en reste c'est une statue, 
une image utilisée lors du dernier évènement sportif mortifère…

Je lui préfère air d'évolution, comme un vent léger qui nous reconnecte le cœur et la conscience, une sorte d'anarchisme intérieur. 
Un air qui permet à chaque cœur de briller et de rayonner.
Qui fait que toustes et chacunxe sont à leur juste place, une lumière qui se diffractera en prisme, 
avec une couleur dominante, et chaque couleur pourra exprimer sa grande et merveilleuse unicité dans la grande toile reliée.

Mort au capital et a celleux qui spéculent et s’enrichissent sur nos vies, décapitation des actionnaires, 
des multimilliardaires, des grands patrons, des propriétaires, 
de toustes celleux qui nous voient comme des moutons à tondre ou des gaulois.e.s réfractaires.

Mort aux dominations en tous genre, retrouvons nos pouvoirs du dedans pour ne plus exercer ni subir de pouvoir sur. 
Adelphité partout, tout le temps.

Mort aux propriétaires, résidences secondaires et marchands de sommeil, réquisitions de ces lieux pour celleux qui n’en ont pas.

Mort à l universalisme et à la mondialisation,

Célébrons, transmettons retrouvons, langue mourante, chant perdu, contes, rituel 
apprenons à nous voir, à nous connaître, à nous rencontrer

Créons de nouveaux imaginaires, insaisissables et protéiformes

Mort au travail à vie, sans sens, abrutissant, épuisant, mortifère

Vive les activités temporaires, joyeuses, émancipatrices, solitaires ou solidaires

Vive les temps libres, oisifs, les temps rêveurs et paresseux, mort au sérieux

Mort au plein partout, vive le vide et l'ennui

Mort aux gouvernement, aux pompes a fric détournements, vive les redistributions, les tontines, 
l'entraide pour le service commun et collectif

Mort aux compétitions, coopération

Mort à la répression, aux séparations, aux enfermements, relions-nous de toute urgence et trouvons une force insoupçonnée

Mort aux marchands de mort, des armes de guerre aux expériences des laboratoires 
en passant par les horreurs des abattoirs, créons des alliances interespèces

Mort à la culture de la mort nécropolitique internationale

Vive le biopouvoir mais pas comme Foucault, vive le pouvoir du dedans du vivant autonome interdépendant bariolé et ingouvernable

Morts aux chalutiers, vive les baleines

Mort aux pyramides, vive les cercles !


                 RÉGINE :
                 Je viens d'un instant où nous étions libres.

              Non
              Je ne veux pas
              Je ne veux pas qu'on m'aide
              Je ne veux pas qu'on me protège
              Je ne veux pas de laisse pour ma sécurité
              Je ne veux pas qu'on me vidéosécurise
              Je ne veux pas qu'on me regarde vivre ma vie à moi,
                     ma vie avec ma famille,
                          mes amis,
                                mes camarades.

                     ÇA NE VOUS REGARDE PAS !
                          Monsieur le Chef de la sécurité nationale
                     FICHEZ-NOUS LA PAIX !
                          avec vos règles de haute précaution.

              Moi,
              Je veux traverser la rue toute seule
              Je veux parler aux autres dans la rue
              Je veux parler aux inconnus dans la rue
              Je veux parler aux inconnus même s'ils ont un drôle de chapeau
              Je veux marcher, je veux courir, je veux danser, je veux hurler
              Je veux rester immobile, me taire et rêver
              Si je veux.
              Plus de Monsieur Haute sécurité, plus de gentil gendarme,
              plus d'inspecteur de la santé, plus de coach de vie,
              plus de conseiller conjugal, de conseiller financier,
              plus de guide spirituel,
                               plus de messie.

Alors, arrivera le grand Noir sur lequel s'écrira la nouvelle histoire de l'Humanité.

 

 

Un immense merci et bravo à Denis, Djamila, Gérard, Grégoire, Guilhem, Jocelyne, Maud et Régine.

Merci à elles, à eux de s’être livrés aussi généreusement et follement.

Merci aussi à l’Ensemble nomade et à sa catalyseuse d’énergie, la rouge éclatante Sabrina Lorre.

 

C. F.