Le sens de la formule

L'image de "Rosie la riveteuse" donne le ton à cette nouvelle session d'écriture.
Les personnages inventés auront à se retrousser les manches et à prendre en main leur destinée ! 
Il faudra leur trouver des mots suffisamment bravaches et insolents. Pas de parlotte mais du tranchant.

On laisse venir ce que le mot "rebelle" évoque spontanément : ici "révolution" bien sûr, là "opposition", 
là-bas "Che Guevara", puis "anticonformiste", "justicière", "Calamity", "liberté", 
"combat", "lutte", "guerre", "grève", "hérisser", "coup de poing", "gnon", "rerebelle", "courage".
Un gisement imagé où puiser l'énergie des récits à inventer.


Nous proposons de composer un récit mettant en scène une adolescente 
à qui il aura depuis toujours été formulé un interdit (lié à une activité, une pratique, une croyance). 
Celle-ci bravera cet interdit et s'en trouvera punie. Ou pas. 
Elle s'endormira (sieste, assoupissement inopiné, repos nocturne)
mais à son réveil une décision radicale sera prise, liée à une prise de conscience. 
Le texte s'achèvera sur cette phrase-mantra qui lui donnera de la force pour le reste de sa vie.



                               MAYA ET L’ALCOOL MALFAISANT

 

     Maya vient d’avoir 15 ans. Elle habite dans une petite ville de province où

tout le monde connaît tout le monde. Comme toutes les jeunes filles de son âge,

elle est dans sa crise d’adolescence et ne cesse de se rebeller contre ses parents

qu’elle trouve trop sévères, toujours à lui reprocher ses tenues, ses fréquentations,

ses sorties. Elle a le sentiment de n’avoir aucune liberté. Tout est sous contrôle.

Dès le matin, elle se sent épiée par sa mère qui lui fait mille recommandations.

Son père n’est pas en reste.

 

 

     Maya voudrait comme certaines de ses copines porter des vêtements courts,

échancrés. Se maquiller pour aller au collège. Aller boire un verre au bar du coin

avec les copains à la sortie. Aller à la plage ou à des soirées. Mais les règles sont strictes,

les horaires de cours vérifiés ainsi que ceux du bus.

 

 

     Pas question de flâner en semaine. Il faut rentrer direct. Et toujours demander

l’autorisation de ceci ou de cela. Avec le risque du refus. Maya se sent brimée.

Elle a le sentiment d’être la seule à subir ces contraintes. L’attitude de ses parents

lui semble excessive et injuste.

 

 

     Un week-end, ses amis l’invitent à fêter un anniversaire. L’idée est de tous se

retrouver chez Sophia samedi en fin d’après-midi. Maya s’habille sobrement en

apparence et se maquille très discrètement. Bien sûr, les parents font les recommandations

d’usage : ne rentre pas après une heure, ne bois pas d’alcool, fais attention si tu ne

connais pas certaines personnes, appelle-nous si tu as un souci, ne fais pas de moto

sans casque.

 

 

     Maya, n’en a que faire. Elle n’écoute pas, déjà partie dans sa tête.

 

 

     À peine sortie, elle se change en cachette et enfile le mini short et ce T-shirt

moulant, achetés avec l’argent de son anniversaire. Elle dessine ses lèvres en rose,

étend ses cils au mascara, détache sa chevelure qui lui donne un air de sauvageonne.

Elle s’admire en passant devant la vitrine des magasins, fière du résultat.

 

 

     La voici arrivée à la fête. Devant cette transformation, les copains la sifflent,

les copines la félicitent pour sa tenue. Maya est aux anges. Même si ce n’est pas elle

la reine de la soirée, elle sent les regards admiratifs et l’envie des garçons. Les premiers

émois, les premières approches.

 

 

     Le buffet regorge de boissons non identifiées de toutes les couleurs. Maya oublie

les consignes et trinque avec ses amis, danse, chante, rit. La boisson lui monte un

peu à la tête, elle se sent sur un nuage mais si bien. La musique l’entraîne. La soirée

continue et le temps s’écoule. Oubliée la pendule, oubliés les interdits. Elle se sent libre,

joyeuse. Elle flirte un peu, rit et boit, beaucoup, beaucoup trop. Elle qui n’a jamais consommé

que quelques gouttes d’alcool, elle ne sent rien venir. Et tout à coup, c’est la nausée, le mal

de ventre, les murs qui tournent et se rapprochent. Elle s’allonge sur un canapé, mais c’est

encore pire. Elle se relève, se précipite dans la salle de bain pour vomir. C’est horrible.

Elle a mal à la tête, elle n’a plus de jambes. Elle se couche dans un coin du salon.

La musique tambourine dans son crâne. Elle voudrait pleurer. Elle s’endort sans s’en

rendre compte, d’un sommeil agité.

 

 

     Deux heures plus tard, son copain John la secoue. Il doit la raccompagner chez elle

en scooter. Elle monte derrière lui, les jambes en coton, toujours nauséeuse et se dit :

« Plus jamais cela, plus jamais, je ne me mettrai dans cet état ».      CHRISTINE G.

 

 

 

 

                                LA BELLE AU VOILE PESANT

 

     Il était une fois au Pays des contes des mille et une nuits, une jeune fille

prénommée SAMIRAPA, élevée dans la plus pure tradition de son peuple,

comprenez la plus dure. Enfant, elle était heureuse et gaie, toujours charmée

par les tenues savamment construites de sa mère, de ses sœurs, tantes et cousines,

voisines et aïeules.

 

 

Tous ces voiles cachant, pour la rue et le dehors, les vêtements colorés et

chamarrés dédiés eux à la maison et au-dedans. Était inscrite en elle cette

norme impérative du noir qui doit enrober la couleur des tissus, et en tout

premier lieu, le tissu originel : le cheveu.

 

 

     Petite fille, elle trouvait formidable cette règle du jeu : on s’amuse, on rit,

on chante à la maison et on se fait discrète dans la rue. Comme un jeu de cachettes,

de fantômes. Impatiente d’y participer, elle avait hâte de grandir pour pouvoir

elle aussi y jouer.

 

 

     Toutefois, SAMIRAPA ne comprenait pas très bien pourquoi ses sœurs ainées,

en accédant à ce rite, perdaient petit à petit leur joie.C’est que ce voile était plus

lourd encore qu’il n’y paraissait.

 

 

     L’enfance ayant fait son chemin, l’adolescence se fit jour en elle : d’un

tempérament curieux et audacieux, elle sentit que l’attrait pour ce jeu s’estompait.

Débarrassée de sa naïveté et instruite des véritables raisons du port obligatoire

du voile, elle exprima auprès de ses parents les sentiments contradictoires qui

l’animaient. Finalement, elle leur déclara qu’elle avait bien réfléchi et qu’elle ne

porterait pas le voile. Ce fût un tonnerre ! « Honte et damnation t’attendent si tu

ne respectes pas cette loi sacrée. Tu vas entrer au collège et il est hors de question

que tu remettes en cause ce qui te protège : c’est notre tradition. »

 

 

     De longues semaines plus tard, après multiples privations, punitions et

remontrances, SAMIRAPA au lieu d’être domptée devint d’autant plus convaincue

de l’iniquité de cette règle imposée aux  filles et femmes de son pays.

 

 

     D’une banale révolte d’adolescente, elle passa à une véritable colère

d’adulte. Ses sœurs, amies, cousines lui conseillèrent de rentrer dans le

rang car cela allait mal tourner pour elle. Au contraire, cela lui donna

encore plus de force et conviction dans son opposition à ce rite qu’elle

jugeait d’un autre temps.

 

 

     Les mois et années passèrent avec pour SAMIRAPA l’envie d’une libération.

L’audace de sa posture lui donnait des ailes : rien ni personne ne pourrait

l’arrêter. Mais comment mener seule une rébellion ? Tous les soirs, elle se posait

cette question insoluble, indicible.

 

 

     Un matin pas comme un autre, elle se réveilla avec ce mot en écho sur lequel

elle s’était endormie la veille : indicible. Ce mot flotta toute la matinée dans son

esprit : là était la clé. Puisqu’on ne pouvait rien dire, puisque les mots étaient bâillonnés,

voilés, il fallait agir : « UN ACTE, PAS DES TRACTS ».

 

 

     Le lendemain, calme et résolue, elle se rendit comme d’habitude à son université,

empesée de ses voiles. Devant l’entrée, elle commença tranquillement à se dévêtir

en ôtant son voile, puis sa lourde robe, puis ses vêtements, et déambula, triomphale

et majestueuse, en culotte et soutien-gorge.

 

 

     Un acte, pas des tracts.

SAMIRAPA manifesta ainsi jusqu’à son prénom que non, cela n’ira pas.     ISABELLE L.

 

 

 

La deuxième proposition consiste en l'écriture d'un manifeste.
Pour rappel un manifeste est une déclaration écrite par laquelle un groupe
(politique , artistique, littéraire...) expose son programme.
Une sorte de faire-part de naissance en somme !
Mais imaginons-le cocasse ce manifeste tout en usant d'un ton sérieux. 
Et en veillant au choix de la formulation, au rythme des phrases
pour faire force de conviction.





                DÉCRET PASTA (OU COQUILLETTES)

 

Attendu que les plats sophistiqués et carnés n’ont que trop duré ;

Attendu que les légumes et plats végans n’ont que peu d’attrait ;

Attendu qu’y en a marre de chercher ce qu’on va manger ce soir ;

Attendu qu’y a pas de raison que les diners soient rasoirs ;

Nous, confrérie et consororité des gens pas si bêtes ;

Proclamons la consommation obligatoire et quotidienne de coquillettes ;

Mais attention pas de leurre :

Uniquement des coquillettes au beurre !           ISABELLE L.

 

 

 

        LINGUISTIQUEMENT

 

Voici venu le temps du changement.

Nous ne pouvons pas faire autrement

Que de nous mobiliser prestement

Pour abolir tous ces règlements.

 

Unissons-nous sérieusement

Réagissons énergiquement.

Plus question d’égarement,

La langue française se défend.

 

Plus d’anglicisme, ni de semblants

Notre orthographe est notre rang.

Manifestons très clairement

Pour le français, notre attachement.

 

Messieurs de l’Académie Goncourt,

Monsieur Larousse, Monsieur Robert,

Ne nous laissez pas en galère !

Exprimez-vous, ne laissez pas faire

Tous ceux qui n’en ont rien à faire.

 

Notre ponctuation, nos accents

Et évidemment notre grammaire

Nous sont plus que nécessaires.

 

Pour un bon entendement

Mes sœurs, mes frères

Ensemble proclamons

Un nouveau dictionnaire

Franco français

Cela va de soi.

Des autres langues, nous n’avons rien à faire.     CHRISTINE G.

 

 

Aujourd’hui mardi 21 janvier 2025,

on se demande bien ce que penserait « Rosie la riveteuse »

de son nouveau Président tout juste investi.

Oh et puis tiens, on l’imagine bien retrousser ses manches …

et lui mettre son poing dans la figure. Great, again !

 

C. F.